L'Oreille bigleuse : la MAO à tâtons !

Des mystères enfin résolus !

Quelques questions qui reviennent souvent quand je discute avec des amis qui partagent la même passion  :

"Comment se fait-il qu’un compresseur augmente le volume, alors qu’il est censé atténuer les passages les plus forts ?"

Très bonne question ! En réalité, un compresseur seul ne fait pas "monter" le volume. Il agit d’abord en réduisant l’écart entre les sons les plus forts et les plus faibles : il compresse la dynamique. Les crêtes sont atténuées dès qu’elles dépassent un certain seuil.
Mais c’est ce qu’on fait après qui change tout : on applique souvent une compensation de gain (appelée make-up gain) pour remonter le niveau général du signal compressé. Résultat :
Au final, le signal semble plus fort, plus dense, plus "présent", alors même que ses pics n’ont pas bougé — voire ont été réduits. C’est cette augmentation de la moyenne énergétique du signal (RMS ou LUFS) qui donne l’impression que "le volume a augmenté".
En résumé :
On réduit les pics, puis on remonte le tout. Ça ne sonne pas plus fort "en haut", mais plus rempli "en bas".

Pourquoi, pour augmenter les basses, faut-il parfois… les diminuer ? Ça n’a pas de sens, non ?

Et pourtant, c’est un grand classique du mixage. Le réflexe naturel, quand les graves semblent manquer de puissance, c’est de monter le bas du spectre. Mais souvent, ça empire les choses. Pourquoi ?
Parce que l’extrême grave (en dessous de 40 Hz, parfois même 60 Hz) est à la fois :
Alors que faire ? On applique un principe contre-intuitif, mais très efficace :
on réduit un peu l’extrême grave (la fondamentale), ce qui libère de l’espace, puis on met en valeur les harmoniques supérieures, plus audibles, mieux restituées. Et magie : le grave semble plus net, plus présent, plus fort. C’est une illusion auditive bien connue des mixeurs. Et c’est aussi pour ça que certains plugins comme MaxxBass, R-Bass ou le Submarine de Waves ajoutent des harmoniques au lieu d’accentuer les vraies fréquences basses : c’est plus malin — et plus audible.

Pourquoi mon mix sonne bien moins fort que les morceaux commerciaux ?

C’est l’effet de la fameuse loudness war (ou guerre du volume), qui sévit depuis les années 1990. Les morceaux pro sont souvent traités pour sonner fort, même à bas volume. Ils semblent « plus gros », plus présents. Comment ?
En réduisant la dynamique du signal (écart entre les sons forts et faibles), à grands coups de compression et de limitation, puis en remontant le niveau global. Résultat : un mur sonore compact, dense… et parfois fatigant.
Mais attention :
Mieux vaut viser une bonne balance, une dynamique maîtrisée, et une sonorité claire. Un mix bien fait, même un peu plus calme, frappera plus fort que du bruit surcompressé.

Pour mixer, la stéréo, c’est mieux que le mono, non ?

Oui… et non. La stéréo donne de l’espace, de la largeur, une impression de réalisme. Mais le mono reste une référence essentielle en mixage. Pourquoi ?
Parce que :
La stéréo est un luxe. Le mono est un test de robustesse.
Astuce de pro : commence ton mix en mono. Si ça fonctionne déjà comme ça — équilibre, impact, lisibilité — alors tu peux ensuite ouvrir la stéréo en toute confiance.

Pourquoi certains pro vérifient leur mix avec des enceintes pourries ?

Parce que le monde réel est rempli d’enceintes « pourries » ! Les ingénieurs du son le savent bien : votre super mix ne sera pas toujours écouté sur des moniteurs de studio à 3000 € la paire. Mais souvent sur :
Alors ils testent aussi dans ces conditions :
Si ça sonne encore clair, cohérent, percutant sur du bas de gamme, c’est bon signe. Autre avantage : ces systèmes sont limités (pas de sub, pas d’espace stéréo), donc on y entend mieux les problèmes d’équilibre.
Conclusion : une écoute cheap peut être un allié précieux.

À quoi ça sert un EQ si tout sonne bien ?

Excellente question.
Si ça sonne bien, on ne touche à rien… Mais «bien», ça veut dire quoi exactement ? L’égaliseur (EQ) est un outil de mise au point. Il ne sert pas forcément à changer le son, mais à :
Un bon EQ, c’est comme un bon éclairagiste : il ne rajoute pas des couleurs partout, il met en valeur ce qui est déjà là, subtilement.
Un mix, c’est souvent une histoire d’équilibre spectral. Même si tout « sonne bien » individuellement, l’EQ aide à :
C’est un outil de discernement, pas de transformation. Et parfois, la meilleure décision, c’est justement de ne pas en mettre.
Mais pour le savoir… il faut l’essayer.

Qu’est-ce que cette histoire de loi de panoramique (Pan Law) ?

Cette règle permet de maintenir un volume perçu constant lorsqu’on déplace un son de gauche à droite dans le champ stéréo. En effet, lorsqu’un son est centré, il est envoyé simultanément dans les deux enceintes, ce qui augmente sa puissance perçue. Pour compenser cet effet, on réduit généralement son niveau de 3 à 6 dB lorsqu’il est placé au centre, selon la "loi de panoramique" choisie.
Ce réglage, souvent modifiable dans les préférences de votre STAN, permet d’éviter qu’un son paraisse "gonfler" au centre ou "s’affaisser" sur les côtés.
Voici les valeurs couramment utilisées :
C’est un bon exemple d’un paradoxe bien connu en audio : ce n’est pas l’énergie réelle qui compte, mais la manière dont notre cerveau la perçoit en fonction du contexte.